jeudi 12 février 2015

Résistance au changement

J'ai été consulté par une étudiante en Mastère sur la thématique des projets de certification qualité des entreprises. Je connais un peu la question, j'ai donc accepté de lire son questionnaire de 3 pages 1/2.

J'ai été très surpris de constater qu'il traitait essentiellement de la "résistance au changement", de l'opportunité de faire, en préalable au projet lui-même, une "étude des comportements" et de l'intérêt d'internaliser les compétences en "accompagnement du changement". À la réflexion, je pense que le sujet est important, et je vais le commenter un peu.

Je crois en effet que la fameuse "résistance au changement" est quelque chose de naturelle et de salutaire. Tout ceux qui identifient dans le changement à venir une dégradation de leurs conditions de travail ou de vie ont raison de combattre le changement en question. De même ceux qui n'arrivent pas à décoder ce qu'on leur présente, et pour lesquels le futur n'est pas clair ont absolument raison de s'accrocher à ce qu'ils connaissent. Si le changement est à l'évidence bénéfique, il passera comme une lettre à la poste. Essayez de proposer à tout votre personnel de leur offrir une C6 de fonction, avec assurance payée et une carte de carburant. Je doute que, même chez les écologistes militants, vous trouverez beaucoup d'opposants! La résistance est donc une réaction normale de personnes intelligentes.

Il me semble qu'on invoque souvent cette "résistance" comme alibi pour expliquer l'échec d'un projet : "ils" ont "encore" résisté ! Mais c'est un alibi de très mauvaise qualité. En réalité, c'est la direction qui n'a pas su montrer les retombées positives aux bénéficiaires du projet. Et parfois, cela aurait été impossible, tant les changements sont objectivement négatifs. Supprimez la voiture de fonction à 50% de ceux qui en ont une, en utilisant une clé de répartition inéquitable (seuls les hommes conservent leur véhicule, ou seuls les plus de 50 ans, ou seuls les membres de la Division Commerciale), vous savez que cela ne passera pas auprès des "victimes". Si vous voulez un projet qui ne génère pas de résistance, choisissez un projet qui améliore la situation de tous (sauf peut-être celle des actionnaires).

Par ailleurs, on illustre très souvent cette résistance au changement avec la "courbe du deuil". Cette représentation est due à Elisabeth Kübler-Ross, une psychiatre du milieu du XXème siècle, qui a modélisé la réaction d'individus face à un deuil au sens propre. Une première phase de sidération, de refus est suivie par des phases de résignation et d'acceptation. C'est le principe de réalité qui est à l’œuvre. Le proche est décédé, il ne reviendra plus, et "la vie continue". Mais dans l'entreprise, la situation est différente. Non seulement on identifie un responsable, mais encore on peut vivre dans l'espoir de le faire revenir en arrière...

Quoi qu'il en soit, il m'est difficile d'imaginer que l'on puisse demander à des individus intelligents de se résigner à une dégradation de leurs conditions de travail, et encore plus que l'on puisse faire appel à des techniques manipulatoires pour leur faire oublier le passé heureux.

Si c'est ça, le management moderne, nos entreprises n'ont pas fini de stagner !

H.

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