vendredi 24 mai 2013

Évident, ou libéral ?

Ainsi, un rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du personnel enseignant fait les grands titres des journaux et déclenche les passions. Les commentaires fusent, et j'ai déjà entendu "libéral", "stalinien", "méconnaissance du dossier".

Amusant. Dès que l'on parle d'argent, on est nécessairement libéral et animé de mauvaises intentions, cynique, opposé au service publique. J'ai entendu ça souvent. J'interviens en effet régulièrement dans des structures du secteur médico-social ou du secteur sanitaire (hôpitaux). Dans ces deux secteurs, "on travaille avec l'humain", on ne peut donc pas faire intervenir la notion d'argent, ou celle de client sans susciter immédiatement beaucoup de réserves et de craintes. Pourtant ...

  • dans la mesure où cette activité est leur gagne-pain, les salariés attendent de recevoir un salaire. C'est bien d'argent dont il s'agit, et il n'est pas immoral d'en parler!
  • ce salaire est la (juste ?) rétribution d'une activité qui apporte de la valeur à quelque chose ou à quelqu'un. Et cette valeur n'est pas seulement une valeur monétaire. L'estime de soi, par exemple, est une valeur importante. Cette valeur n'est donc pas non plus une notion immorale.
  • mais cet argent doit bien provenir de quelque part. Je ne connais aucune entreprise, industrielle ou de service, publique ou privée, qui possède un sponsor exclusif qui lui assurerait des moyens d'existence sans aucune contrepartie. Ou alors il faut se tourner vers des professions artistiques, des Michel-Ange des temps modernes. Mais il n'y en a pas beaucoup, et parfois même les tribunaux et/ou les ayant-droits du mécène leur demandent des comptes un jour ou l'autre.
La question n'est pas de parler argent, mais de parler de la manière dont il est obtenu et dont il est utilisé. L'impôt est un moyen plutôt efficace pour collecter de l'argent (on l'utilise depuis le Moyen-Âge !) et le Parlement un bon outil pour décider de la manière dont il doit être utilisé. Les qualiticiens (dont je suis) commencent par identifier le but, puis s'assurent que les moyens sont mis à disposition du système pour atteindre le but. Avec un peu de logique et de cohérence, il est donc facile de faire disparaître - par exemple - le "trou de la sécu". Soit on limite le but (par exemple en décidant de ne plus prendre en charge telle catégorie de patients), soit on prélève de l'argent pour prendre en charge toutes les pathologies de tous les patients. On voit tout de suite que la difficulté vient de l'impossibilité à fixer des priorités entre tous les postes de dépenses, en même temps qu'on souhaite limiter les postes de recettes !

Revenons-en au rapport de la Cour des Comptes. Il ne pose pas, à mon avis, la question de manière assez tranchée : quel est l'objectif du système éducatif français ? Ce n'est qu'une fois ce but connu, partagé, validé, qu'on pourra parler des moyens, de leur niveau et de leur répartition. Mais aussi de la manière dont ces moyens (financiers, techniques et humains) seront utilisés.

Je prends le risque ici de me fâcher avec beaucoup de gens, dont des très proches. Et je vais endosser l'habit du méchant libéral pour mettre en évidence des faiblesses manifestes du système, dont on refuse de parler individuellement au prétexte qu'il faudrait "tout revoir"... On verra bien !

  • Imaginez que vous entriez dans une boulangerie. Derrière le comptoir : personne. Mais comme la porte du fond est ouverte, vous apercevez le boulanger. "Pourriez-vous me vendre une baguette, s'il vous plaît ?" "Non, je n'ai pas la compétence pour cela. La vendeuse est malade, revenez dans deux ou trois jours". Ce dialogue vous semblerait surréaliste dans une boulangerie. Il ne l'est pas dans les collèges ou les lycées. "Le collègue est absent, je suis en salle des profs, mais que les élèves aillent en perm'. Je ne vais pas faire un enseignement que je ne maîtrise pas." C'est une position brutale, que l'on rencontre pourtant régulièrement. Alors soit: un prof d'anglais ne va pas faire un cours de physique. Mais peut-on imaginer qu'il donne un cours d'anglais ? À une classe qui n'est pas celle qu'il a habituellement ? En improvisant des échanges, ou la lecture d'un texte ? Alors que le cours d'anglais n'est pas sur l'emploi du temps de cette classe ? En ce qui me concerne, je pense que oui. Et je crois que cela rendrait service aux élèves. Et que cela aiderait les pions à gérer les salles d'études. Et aussi que cela contribuerait à faire passer le message que ce qui est important c'est d'apprendre. Le plus souvent possible.
  • Imaginez que vous arriviez à l'hôpital, victime d'un infarctus. Il s'agit d'une urgence vitale, et on vous emmène directement en salle d'opération, dans laquelle va officier un seul chirurgien, fraîchement diplômé. Il se trouve aussi qu'il va manquer une infirmière de bloc. Avant que l’anesthésiste ne vous endorme, vous demandez si cette situation est bien normale. Et l'on vous répond "que voulez-vous, c'est ainsi que cela se passe. Les urgences vitales sont trop stressantes, alors dès qu'ils ont un peu d'ancienneté, les chirurgiens demandent leur transfert dans des services plus faciles. Le fin du fin, ce sont les urgences en implants capillaires. Vous y retrouverez non seulement les praticiens les plus expérimentés, mais encore ils auront des équipes au complet et du matériel flambant neuf. Allez, on y va, comptez jusqu'à trois". Explication ahurissante dans un hôpital, n'est-ce pas? Mais pas à l'Éducation Nationale, où la pratique consistant à placer un prof débutant face aux classes les plus difficiles semble ne pas poser de problèmes. La seule cohérence que je vois, c'est qu'on aura rapidement un professionnel en échec face à des jeunes en échec. Mais est-ce vraiment ce que l'on veut obtenir ?
  • Imaginez que vous entriez dans un supermarché au mois d'août, à la recherche de crème glacée, et que vous trouviez les congélateurs vides, avec des techniciens en train de les réparer. "Ces équipements sont en panne ?" demandez-vous. "Non, nous faisons juste l'entretien annuel". "Comment cela? En pleine saison estivale ?" "Ben oui, c'est à cette époque que les congélateurs consomment le plus, donc si il faut les arrêter, c'est la saison idéale". "Mais et vos clients ?" "Oh, ils se sont habitués, depuis le temps". Une organisation qui est optimisée non pas pour le besoin de ses clients, mais pour des considérations annexes est une situation absurde, me direz-vous. Pas pour le Ministère de l'Éducation Nationale en tout cas, qui organise les congés scolaires non pas pour respecter les bio rythmes des élèves, mais pour répondre aux attentes du Ministère du Tourisme et de l'industrie des sports d'hiver.
  • Imaginez que vous appreniez que les auditeurs chargés d'évaluer les pratiques d'une société produisant des dispositifs médicaux, ou des médicaments, passent un coup de téléphone à la personne auditée, en lui disant à peu près cela "Je ne vais pas avoir beaucoup de temps à accorder à votre évaluation, alors voilà ce que je vous propose : comme vous savez comment les choses se passent, vous allez rédiger vous-mêmes le rapport d'inspection, et vous me l'enverrez pour que je puisse mettre la note. Si vous ne jouez pas le jeu et que je suis obligé d'écrire moi-même ce rapport, vous aurez bien entendu une très mauvaise évaluation". Si vous êtes au courant de telles pratiques, vous aurez le réflexe de dénoncer ce comportement, que vous espèrerez rarissime, ce qui ne poserait aucun problème pour le système : un évaluateur de moins, une sanction sur laquelle on peut communiquer, une image de sérieux renforcée : tout le monde aurait à y gagner. Et bien croyez-le ou non, certain (au singulier, je l'espère) inspecteur agit de cette manière, tutoyant même les personnes qu'il "inspecte" ainsi. Et le "mammouth" isole tellement ses agents, que ce sont ces derniers qui en souffrent : dénoncer ? mais à qui ? comment ? quels sont les risques ? subir ? quels sont les bénéfices ? Résultat : le système rend possible la déviance des comportements, et fait peser tout le poids psychique sur la victime. C'est à l'évidence de la maltraitance, mais dénoncer son employeur à son employeur n'est pas facile... Cela rappelle Coluche et son agent de police "si il veut porter plainte, il va falloir qu'il vienne nous trouver, alors ..."

Je caricature ? Sans aucun doute ! J'ai le beau rôle, à critiquer sans proposer de solution ? Certainement ! Mais pour autant, les points que je soulève sont-ils irrecevables ? Je ne le pense pas. Alors, agissons comme on devrait :
  1. on définit le but
  2. on définit les moyens pour atteindre ce but
  3. on définit l'organisation (les procédures) pour que les moyens fonctionnent en cohérence
  4. on audite le fonctionnement (pas les acteurs : le fonctionnement) pour vérifier que le but est bien atteint
  5. on identifie les faiblesses, les défaillances, les risques pour le futur, les possibilités d'évolution, d'amélioration
  6. et on recommence

Y'a plus qu'à !

H

jeudi 23 mai 2013

Compétence des auditeurs internes.

Sur un forum de discussion, la question suivante a été posée : "Comment vous évaluez vos auditeurs internes ?"

C'est une excellente question. Cette problématique est très souvent totalement délaissée par les responsables qualité, de même que par les dirigeants. (Je soupçonne que c'est par manque de compétence de ces RQ et dirigeants, mais ne l'ébruitez pas.) Pourtant, cette problématique est essentielle dans la progression des systèmes de management de la qualité (de la sécurité, de l'environnement). En effet, l'audit interne n'est pas simplement une exigence des Normes ISO 9001 (14001, 22000, OHSAS 108001 ...) à satisfaire en montrant à l'auditeur de certification un compte-rendu d'audit et un planning plus ou moins respecté. C'est avant tout un moyen très puissant pour permettre au dirigeant d'évaluer l'adéquation de son système de management à son environnement, à ses buts, aux demandes de ses clients, etc.

Les auditeurs internes sont donc, l'espace de quelque heures, les yeux et les oreilles du dirigeant, ils doivent lui permettre de confirmer la pertinence des règles de fonctionnement, le dimensionnement des moyens, l'efficacité des outils de suivi, etc. Ils doivent aussi, le cas échéant, identifier les points faibles du dispositif de maîtrise. Mais, et tant pis si j'insiste lourdement, c'est la direction qui est le premier destinataire du rapport d'audit.

Cela va impliquer plusieurs choses:
  1. les auditeurs auront la confiance du dirigeant; ils auront été formés, encadrés, formés à nouveau
  2. les audits auront été planifiés rigoureusement : on ne parle pas ici de dates, mais d'objectifs. La direction souhaite d'abord explorer en détail une problématique, ou une situation; les audits sont organisés ensuite de manière à apporter la réponse. On peut ainsi auditer la totalité des processus pour évaluer la compétence des personnels, ou la manière dont ces compétences sont évaluées (on verra alors comment les recommandations de la DRH sont appliquées, ou comment les besoins des pilotes de processus sont écoutés), ou encore la manière dont les fournisseurs sont choisis ou évalués (les achats réalisent un geste technique, mais ne sont généralement pas compétents pour identifier le meilleur prestataire de nettoyage, et le meilleur fournisseur de photocopieurs et le meilleur fournisseur de machines-outils et le meilleur fournisseur de matières premières et le meilleur laboratoire d'analyses, etc. Si on limite l'audit du processus achats au seuls acteurs "techniques" de l'achat, on passe à côté de trop de choses pour avoir une bonne vision); ou encore on va auditer la manière dont une nouvelle organisation, en place depuis quelques mois, fonctionne, etc. En tout état de cause, on audite en vue d'obtenir la réponse à une question, pas pour auditer "parce qu'on doit le faire".
  3. les résultats des audits seront analysés en comité de direction - une Revue de Direction, pour reprendre la terminologie des normes ISO, n'est pas autre chose - par les pilotes des processus et leurs clients/fournisseurs internes et par la direction.
Si les choses se passent comme je l'ai décrit, alors il va être possible d'estimer la performance du processus d'audit : a-t-on obtenu les réponses attendues ? C'est à dire : a-t-on pu statuer sur les questions, au vu des résultats des audits ? Si c'est le cas, les auditeurs sont probablement compétents, et le pilote du processus d'audit (le plus souvent appelé responsable qualité / sécurité / environnement) aussi.

Si ce n'est pas le cas, il faut analyser plus en détail, mais la compétence des auditeurs est probablement en cause. On estimera alors leur capacité à enregistrer des preuves d'audit, leur capacité à statuer sur le caractère adéquat et suffisant de ces preuves, leur aptitude à distinguer l'accessoire de l'essentiel, sur la manière dont ils préparent les audits, sur leur connaissance du secteur audité (l'auditeur doit être indépendant du processus, mais il doit aussi savoir de quoi il parle. L'équilibre entre ces deux exigences est parfois délicat à trouver.

Ceci se fait d'abord de manière collective, au niveau du programme d'audit et du "pool" d'auditeurs, puis on descend si besoin au niveau de l'individu.

Mais ce qui est certain, c'est que si vous n'avez pas d'objectifs pour vos audits, vous aurez beaucoup de mal à remettre quoi que ce soit en cause !

H

samedi 18 mai 2013

Tout fout l'camp !

Tout fout l'camp !

Cette semaine, j'ai animé une formation aux principes essentiels du management de la qualité - ce que je fais régulièrement. Mais là, j'avais dans mon public deux salariés représentants du personnel dans leurs entreprises respectives, tous deux syndiqués, l'un étant même délégué national.

Présentant les bienfaits de l'amélioration continue, je prends l'exemple de l'automobile, montrant que les véhicules d'entrée de gamme d'aujourd'hui coutent moins cher (l'unité étant le mois de SMIC) qu'il y a trente ans, alors qu'ils sont plus fiables et mieux équipés. Comme souvent, c'est l'occasion d'un moment d'échange, chacun rappelant les bonnes ou mauvaises expériences qu'il a eues avec son véhicule. Le délégué national nous explique alors qu'il possède une Dacia (je crois que c'est un Duster version prestige plus, mais je n'en suis pas certain). Je lui fais remarquer que ce choix est étrange de la part d'un responsable d'une centrale syndicale qui attire l'attention sur les dangers des délocalisations industrielles. "Ah, non ! Moi, j'achète une Renault, une marque française. Après, l'endroit où elle est fabriquée ne me concerne pas". Je dois dire que j'ai le sentiment d'avoir entendu là le même cynisme que celui qui est souvent reproché aux "patrons".

Poursuivons. Pour illustrer les principes de choix des indicateurs, je présente la chaîne logique : on part des objectifs de l'entreprise, puis on les décline de manière de plus en plus opérationnelle, avec à chaque fois des indicateurs pour piloter le processus. Et je commence donc par le début : l'entreprise, quelle qu'elle soit, doit gagner de l'argent. Mais on ne peut pas utiliser cet objectif, pas plus que les indicateurs associés, pour piloter des activités très opérationnelles ! Le second syndicaliste intervient aussitôt : "Avec une vision comme celle-là, on en vient systématiquement à des licenciements : pour faire de l'argent, il faut licencier, c'est une mauvaise approche que de tout rapporter à l'argent". Je réponds alors que sa remarque porte sur les moyens de gagner de l'argent, et sur l'utilisation de cet argent, pas sur le fait que l'entreprise doive en gagner, et j'embraye sur la cohérence que l'on doit avoir lorsqu'on a identifié un but. Et comme exemple je prends l'attitude individuelle devant l'actionnariat. De nombreux français sont actionnaires, et pas uniquement ceux qui font partie des catégories socio-professionnelles les plus élevées, les ouvriers aussi. Soit individuellement, soit par le biais de fonds communs de placement. "D'accord, mais on n'a pas le choix !" m'a-t-il interrompu. "Vous avez le choix, au contraire. Il y a souvent 3 possibilités : un portefeuille constitué d'obligations, sans risques et de rendement faible, un portefeuille constitué de produits monétaires, un peu plus rémunéré et un peu plus risqué, et un fonds en actions, plus rémunérateur. Vous pouvez donc mettre votre argent où vous le souhaitez." "C'est de l'hypocrisie : vous voyez bien qu'ils nous obligent à prendre le fonds en actions. Je ne vais tout de même pas choisir la solution où ma participation va me rapporter le moins ! Qu'ils nous trouvent des obligations qui rapportent beaucoup, et on verra. Non, le système est biaisé, on n'a pas vraiment le choix." "Mais enfin, vous pouvez tout de même choisir de ne pas investir en actions, si vous pensez que cela va amener le licenciement de travailleurs ici ou là dans le monde ?" C'est le délégué national qui a conclu l'échange "Ah oui, si vous voulez ne pas prendre de risques, alors vous choisissez les obligations, bien entendu."

Où est donc passé l'époque où les individus avaient des convictions, et assumaient leurs choix idéologiques ? Les années 80, avec le boycott des oranges d'Afrique du Sud, moins chères mais issues d'un régime politique non éthique, ce n'est pas si éloigné que cela ? Si ? Il n'est pas imaginable de refuser d'investir dans des actions, parce que cela correspond à une vision du monde qui ne vous convient pas ? Je croyais que les derniers individus à avoir des convictions sociales étaient les syndicalistes. Je suis déçu.

H

vendredi 17 mai 2013

Service client

Dans mon métier, il faut faire cas des demandes de ses clients. Il faut pour cela accepter de se déplacer. Mercredi prochain, je serai à Nice, et jeudi, en banlieue parisienne. J'ai donc réservé hier un siège dans un avion qui partait assez tard pour que je n'ai pas à stresser ni à écourter mon intervention de mercredi. Pour ne pas que cela me coute trop cher, j'ai choisi une compagnie "low-cost", joliment peinte en blanc et orange.

Ce matin, mon client parisien m'appelle pour annuler cette date, remise à plus tard. Une réunion importante au siège : c'est un motif raisonnable, et j'en prends bonne note.

Il me faut donc annuler cette réservation. Je l'ai faite il y a moins de 12 heures ! Je me connecte sur Internet (heureusement pour moi : j'encadre aujourd'hui des étudiants qui travaillent en semi-autonomie : j'ai la possibilité de régler mes "petites affaires"), j'ouvre la page des conditions générales de vente, je trouve le chapitre consacré aux annulations. Bonne surprise: cette compagnie, magnanime, accepte de procéder au remboursement des réservations faites moins de 24 heures auparavant. Mais il faut appeler le service client. Le lien sur lequel je clique me renvoie en boucle sur la page des CGV. Pas sympa ! La page d'aide ne donne pas le numéro du service clients, pas plus que celle servant à entrer en contact. Drôle de politique que celle consistant à indiquer une procédure, tout en s'appliquant à la rendre inutilisable. Où est donc le respect du client ?

Heureusement (malheureusement ?) je ne suis pas le premier à qui pareille mésaventure arrive, et les forums donnent le numéro recherché (surtaxé 0,12 €/minute). J'appelle, tombe sur un très long message d'accueil, attends de longues minutes, et finis par avoir une charmante voix à l'autre bout.

Laquelle voix appartient à une jeune femme qui m'explique qu'on peut annuler, mais que 36 € de frais d'annulation seront retenus. Ce qui représente le tiers du prix du billet : c'est beaucoup, mais que voulez-vous : la probabilité que j'aie de nouveau à faire un Nice-Paris est tellement faible que je dois m'y résoudre. "Que fait-on ?" me demande-t-elle ? Ben ... on annule ! "Je vais donc vous rembourser 45 €". 45 €, mais ce n'est que la moitié de ce que j'ai payé ! Y aurait-il une erreur ? Non, "nous ne remboursons jamais les frais liés au moyen de paiement, soit 14 € pour un paiement par carte".

J'ai fait ma réservation par Internet, sur le site du transporteur. Pouvais-je payer autrement que par carte ? Non. Voilà une seconde attitude peu respectueuse des clients. J'ai l'impression que l'on profite de la situation.

"Voila, j'ai procédé à l'annulation, la somme devrait être re-créditée sur votre compte d'ici 20 jours". 20 jours de trésorerie sur mon dos, après avoir récupéré 36 + 14 = 50 € ! C'est la goutte d'eau. Je me sens victime d'une escroquerie en bande organisée. Comme pour toutes les escroqueries, j'ai une part de responsabilité : j'étais consentant, je suis venu tout seul dans ce guet-apens.

Mais une chose est sûre, Messieurs : c'est fini. Plus jamais. La prochaine fois, je prends le train de nuit. J'arriverai à moitié cassé et pas rasé, mais je ne me sentirai pas prisonnier. La dignité a un cout : je l'accepte et je l'assume.

H

PS 1 : numéro du service clients EasyJet : 0820 420 315 (on ne récupère pas toute sa mise, mais on ne leur abandonne rien !)

PS 2 : la jeune femme du service clients m'a annoncé "je vous envoie la confirmation du remboursement par e-mail, si vous avez d'autres questions, vous pourrez toujours me recontacter en répondant à ce courriel". 6 heures plus tard, l'e-mail en question se fait toujours attendre. Je n'aurai donc aucune trace de cet échange. Pas de droits, pas de respect du client ?

mercredi 15 mai 2013

Acceptabilité du risque

Je travaillais ce soir avec un étudiant en Mastère qui prépare sa thèse professionnelle, laquelle porte sur une utilisation novatrice de l'analyse de risques. Il propose d'associer une notion de cout financier au calcul de criticité du risque. Comme je lui faisais remarquer que, pour les risques liés à la santé et à la sécurité des personnes, cette approche pouvait avoir un aspect très cynique, il m'a répondu "si vous êtes bouddhiste, vous ne voyez pas la mort de manière absolument négative..."

Il n'a pas tort. Mais je doute que ce soit un argument suffisant pour les (nombreux) non bouddhistes (dont je fais partie) qui voient les choses d'un autre œil.

Quoi qu'il en soit, il est toujours enrichissant d'échanger avec des personnes ne partageant pas votre culture !

H.

dimanche 12 mai 2013

Un Organisme de Certification sanctionné...

Les entreprises dont le système de management est certifié conforme à une norme ou une autre sont en constante augmentation : pour les 7 normes ISO principales (9001, 14001, 16949, 13485, 27001, 22000, 50001) , on en est à environ 1.5 millions en 2011. Et on ne parle pas ici de l'OHSAS 18001 - qui n'est pas une norme ISO, et qui doit approcher aujourd'hui les 60 00.

Les certificats sont délivrés par des entreprises privées, après avoir été auditées par des auditeurs soit salariés de l'organisme de certification, soit indépendants et missionnés (sous contrat) pour cela. Ces auditeurs ont fait la preuve de leur triple compétence (technique d'audit, connaissance de la norme, connaissance du secteur d'activité) et sont eux-mêmes certifiés.

Des événements récents (l' affaire PIP, en particulier), ont mis en lumière les faiblesses de ce système, lorsque les pouvoirs publics sous-traitent ainsi le contrôle du marché à des organismes privés et à des individus non assermentés.

La grande distribution britannique, puis européenne (Allemagne et France à l'origine), ont créé des référentiels pour certifier leurs fournisseurs de denrées alimentaires : BRC en Grande-Bretagne, IFS ailleurs. Aujourd'hui, un industriel qui souhaite produire les marques Carrefour ou Auchan, Leclerc ou Metro, Aldi ou Lidl (pour ne citer que ceux-là) doit être certifié IFS. Là encore, l'IFS délègue les opérations d'audit à des organismes de certification, pour la plupart les mêmes que ceux qui certifient la conformité à l'ISO 9001 ou - si l'on parle de sécurité des aliments - à l'ISO 22000.

Récemment, les "scandales" récents liés à la présence frauduleuse de viande de cheval dans des produits supposés au bœuf ont reposé la question de l'efficacité des audits n'est pas garantie à 100% : un auditeur peut passer à côté d'une non-conformité. Mais pour les créateurs du système, ces groupes géants au chiffre d'affaires se comptant en milliards d'€, l'enjeu n'est pas mince. Il en va de la crédibilité de leur marques. Or, en pratique, ils n'ont que peu de maîtrise sur ce qui se passe chez leurs sous-traitants. Un contrat bien ficelé et des audits, c'est tout ce dont ils disposent. Pas vraiment suffisant pour savoir ce qui se passe au quotidien dans les ateliers ou dans les entrepôts.

Alors la sanction est tombée. À compter du 15 mai 2013, le TÜV SÜD (à ne pas confondre avec le TÜV Rheinland) n'est plus autorisé à auditer selon l'IFS. La suspension n'est que de 3 mois, mais non seulement tous les auditeurs doivent suivre une nouveau processus de formation / qualification, mais encore l'IFS communique sur le sujet. On ne sait pas ce qui a conduit à la suspension, mais tous les certificats en cours de validité sont considérés comme devant être revus.

Moralité de l'histoire : lorsque les enjeux sont clairement identifiés, les sanctions peuvent être prises. Corollaire : lorsque personne ne voit d'enjeu à un processus quelconque, il peut dérailler à sa guise, personne ne s'en soucie.

C'était ma minute de cynisme.

H.

mercredi 1 mai 2013

le mythe des "zéros"

Dans les années 60, Philip CROSBY inventa les "zéros" : zéro défaut, zéro perte, zéro retard... C'était une manière de présenter les objectifs de la qualité : on ne peut pas (on ne doit pas) accepter de défaut. C'était aussi une position dogmatique contre les tenants de la position qui consiste à dire "le risque zéro n'existe pas, il est normal d'avoir des défaillances de temps en temps".

Un de mes patrons (Jean-Pierre BONOMME, un grand Monsieur) avait élargi le concept - en le raccourcissant : il disait "le seul message à avoir, c'est le "zéro mépris" : on ne méprise pas le client, ni le produit, ni l'employeur, ni les collègues, ni l'environnement, ni les machines, etc". Chaque fois que j'y pense, je suis obligé de reconnaître que son résumé est extrêmement pertinent.

Ne mépriser rien ni personne, bien faire son travail...

Ce matin, j'ai passé un contrôle de police de l'air et des frontières à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle; j'arrivais d'un pays situé hors de l'espace Schengen. La vérification des passeports est une opération importante - en tout cas je le crois. Le fonctionnaire de police qui a examiné mon passeport avait sous les yeux un i-phone, sur lequel il regardait un film en vidéo. Je ne suis pas certain qu'il a porté toute l'attention nécessaire à l'inspection pour laquelle il est pourtant rémunéré.

Henry Ford (par ailleurs une personne aux prises de position politiques parfois discutables) a dit un jour "la qualité, c'est bien faire son travail même si personne ne regarde". Ici, le supérieur ne regardait pas, mais tous les passagers ont eu une image déplorable du système. Alors, peut-on mettre de la qualité dans cette Administration ? Oui. Non seulement on peut, mais on doit. Quand cela sera-t-il possible ? Je ne suis pas devin.

H