mardi 26 mai 2015

Empouvoirement

... ou empouvoirment (sans le "e"). Le mot m'épouvante. Je sais que c'est la traduction de l'anglais "empowerment", mais là, je bloque. C'est inélégant, laid, lourd (et un brin prétentieux.)

Le mot a fait son apparition dans les années 2000, pour traduire l'ensemble des actions qui permettent à un individu de prendre le pouvoir, dans la Société, dans son entreprise, dans son équipe. Il ne s'agit pas de coups de force ni de manipulation; mais de construire avec la personne les conditions de son évolution vers des niveaux de décision - de pouvoir - plus élevés que ceux qu'il ou elle fréquente.

Il est de la responsabilité des employeurs d'organiser cette évolution au sein des entreprises. Cela ne peut pas se faire sans que le responsable hiérarchique soit "dans la boucle". Et cela conduira nécessairement la personne "empouvoirée" (à barbarisme, barbarisme et demi !) à prendre une partie de l'autorité de ce supérieur. Sinon, à quoi bon la former ?

Alors, si en fait on ne faisait que parler de délégation bien comprise ? Pas la délégation-poubelle ("je n'ai ni envie ni le temps de faire ça, tu t'en occupes"), mais la véritable délégation, la transmission de l'autorité, de la responsabilité et des outils de pilotage qui vont avec. Et cela nécessite les compétences indispensables pour ne pas courir à l'échec.

Alors, un créatif pour trouver un mot moins hideux, ou on garde "délégation" ?

H

mercredi 20 mai 2015

knowledge management

Tout ministre de l'éducation (nationale ou pas, cela dépend des époques) qui se respecte doit laisser son nom à une réforme. C'est comme ça.

  • En 1975, la réforme HABY supprime la différence entre Collèges d'Enseignement Général et Collèges d'Enseignement Secondaire : il ne reste que des "collèges" (pour mémoire, le CES était celui qui garantissait la meilleure culture générale, le CEG étant plus "professionnel"). Ce collège "unique" ne fonctionne pas très bien, puisque tous les élèves ne sont pas destinés à suivre, après 16 ans, le même genre de parcours.
  • En 1982, c'est la réforme SAVARY, qui doit lutter contre l'échec scolaire, au travers notamment du travail des professeur en véritables équipes pédagogiques. Mais seuls les établissements volontaires s'y engagent... "L'école libre" est vent debout contre la réforme, la manifestation du 24 juin 2014 rassemble au moins 850 000 personnes (chiffres de la Préfecture de Police). La réforme est supprimée, le ministre démissionne (le 1er ministre d'alors aussi.)
  • 1984, c'est Jean-Pierre CHEVÈNEMENT qui, tout en insistant sur l'apprentissage des fondamentaux (la lecture !), redonne un peu de lustre à l'enseignement technique.
  • 1986, son successeur René MONORY modifie le recrutement des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC), issus des CEG - disparus 11 ans plus tôt
  • 1989, la loi JOSPIN bouleverse en profondeur le système, chaque école, collège, lycée devant élaborer (et mettre en oeuvre) un "projet d'établissement", qui adapte au contexte local les objectifs nationaux (c'est le premier pas vers un système de management de la qualité !). C'est aussi la création des IUFM.
  • 1993, la Loi BAYROU vise à apporter de la justice, en cassant l'uniformité du collège ("le problème, ce n'est pas que le collège soit unique, c'est qu'il soit uniforme, donc injuste."). Les parcours des élèves sont individualisés, les élèves en difficulté seront aidés, les classes seront dédoublées, et les élèves qui le souhaitent pourront commencer l'initiation au latin dès la cinquième.
  • Je vais faire l'impasse sur les réformes ALLÈGRE, ROYAL, LANG, FERRY, FILLON, DARCOS, CHATEL, PEILLON... Chacune d'entre elle est supposée mettre un terme aux difficultés observées, à l'absence de résultats, à la dégringolade des résultats de la France dans les enquêtes internationales.
À chaque fois, tout le monde râle : enseignants, élèves, parents, opposition politique. Les grèves sont fréquentes, les manifestations aussi. Les journalistes nous expliquent doctement les pourquoi et les comment de chaque réforme. Puis on oublie, on accepte, et on attend la prochaine fois.

Les commentateurs ont d'ailleurs le jeu facile lorsque les concepteurs des programmes utilisent - probablement avec quelque raison - une novlangue jargonnante (le ballon qui devient "référentiel bondissant") qui, une fois diffusée largement devient imbécile, ridicule, prétentieuse. Reprise, déformée, elle alimentera le discours des opposants. A tort ou à raison. [Lorsque je donne un cours sur la métrologie, j'interdis d'utiliser le mot "précision", puisqu'il n'est pas défini dans le Vocabulaire International de la Métrologie. Je sais pourtant ce que le terme signifie, et je n'aimerais pas qu'on me caricature en censeur psycho-rigide interdisant au plus grand nombre d'utiliser des mots simples et connus !]

Mais jamais personne ne prend le temps (ou n'a l'idée ?) de nous expliquer comment font les autres pays francophones. Quand y commence-t-on l’apprentissage du grec, du latin, des langues vivantes ? Quelle est l'autonomie des chefs d'établissement ? Les apprentissages se font-ils de manière disciplinaire, ou pluri-disciplinaire ? Leurs résultats sont-ils meilleurs que les nôtres ? Si oui, a-t-on étudié leurs méthodes ? Que pourrions-nous en retirer ? Quand-est-ce qu'on s'y met ?

Je suis certain que ces analyses, ces comparaisons sont faites, que les cabinets ministériels en connaissent les conclusions.

Alors, pourquoi cela n'intéresse personne ? Serions nous plus versés dans la querelle que dans la recherche de solutions ?

H